- KOWEÏT
- KOWEÏTD’une configuration territoriale quasi triangulaire, le Koweït est enserré entre l’Irak, l’Arabie Saoudite et le golfe Arabo-Persique, regroupant 1,6 million d’habitants sur ses 17 800 km2. C’est la position géographique de Koweït qui a dû attirer ses premiers habitants, plus que ses ressources en eau ou en pâturage, presque nulles. Le pays a un climat désertique marqué par une chaleur étouffante entre avril et novembre et souvent par de violentes tempêtes de sable.HistoireLa ville de Koweït a été fondée au début du XVIIIe siècle. L’histoire de l’émirat commence avec l’expulsion en 1670, par les tribus de Bani Khalid, des Ottomans installés en Arabie orientale. Trente ans plus tard, des segments de la tribu ’Utub, dont la famille Sabah, émigrent de l’Arabie centrale vers la côte du Golfe. Ils s’installent à Koweït. Vers 1750, Koweït devient autonome et un mur d’enceinte est construit. La ville s’enrichit grâce à son rôle de station sur le chemin des caravanes voyageant entre l’Arabie et le Croissant fertile et à une flottille de bateaux pour la pêche aux perles.L’autonomie de Koweït est renforcée sous le long gouvernorat d’Abdallah ibn Sabah (de 1764 à 1815). Jouant de la rivalité entre acteurs plus forts (les Bani Khalid et les Wahhabites se disputaient l’Arabie orientale, les Perses et les Ottomans la région de Basrah), il bénéficie de l’intérêt porté à sa cité par la Grande-Bretagne, dont les comptoirs établis à Basrah ou sur la côte iranienne du Golfe étaient alors menacés par des troubles politiques et par la peste qui frappa Basrah en 1773. Le courrier impérial transitait dorénavant par Koweït, ainsi qu’une partie du commerce venant des Indes et empruntant à Koweït la voie terrestre.Grâce à leur nouvelle prospérité, les Koweïtiens dotaient de canons l’enceinte de leur ville et leurs bateaux. Koweït réussit à repousser en 1789 une attaque de tribus irakiennes soutenues par les Ottomans, puis les troupes saoudo-wahhabites en 1793, en 1797 et en 1808. Une bataille navale, en 1810, coûta à Koweït et à ses alliés un millier d’hommes. Mais, à sa mort, après un demi-siècle de pouvoir, Abdallah léguait à son fils Jabir (1815-1859) et à son petit-fils Sabah (1859-1866) une cité forte de près de 800 bateaux de pêche aux perles, de 5 000 à 6 000 hommes pour la défendre, un commerce caravanier florissant et de solides alliances dans la région.Au XIXe siècle, contrairement aux sheikhdoms (émirats) à l’entrée du Golfe, Koweït demeure formellement dans l’orbite administrative du gouvernorat ottoman de Basrah, ne signe aucun accord de protection avec les Britanniques tout en se présentant comme un refuge pour les tribus en difficulté. Mais, à la fin du XIXe siècle, le pays connaît un tournant crucial de son histoire. Depuis Sabah, le fondateur de la dynastie, le pouvoir s’était transmis de père en fils. À la mort d’Abdallah II en 1892, l’un de ses fils, Moubarak dit le Grand, fait assassiner deux de ses frères et s’empare du pouvoir. Après s’être fait reconnaître par les Ottomans, il se lance dans la construction d’un grand État dans l’Arabie orientale. Ce projet allait connaître une triste fin à la bataille d’al-Sarif au cours de laquelle les Koweïtiens allaient perdre 700 hommes. Moubarak devait aussi affronter l’opposition de ses neveux cherchant à venger leurs pères.Pour faire face à ces défis, Moubarak se résigne, à partir de 1899, à signer une série d’accords secrets qui vont faire de lui un protégé de la Grande-Bretagne. Un agent politique britannique s’installe à Koweït, et Londres obtient la location du port d’Ach-Chouaykh, ainsi que plusieurs droits exclusifs, notamment en matière pétrolière. En 1914, avec le début de la Première Guerre mondiale, Moubarak n’avait plus d’autre choix que de soutenir la Grande-Bretagne contre l’Empire ottoman.À sa mort, son fils Jabir lui succède, mais seulement pour quatorze mois. Celui-ci est suivi par son frère Salim. Le premier était pro-britannique, le second plutôt pro-ottoman. S’établit alors une coutume solide suivant laquelle l’émirat ira dorénavant, de manière alternative, aux descendants de chacun des deux frères Salim et Jabir, qui forment également la branche régnante des Sabah. C’est ainsi que Salim fut suivi par son neveu Ahmad, fils de Jabir (1921-1950), et celui-ci par son cousin Abdallah, fils de Salim (1950-1965). Son frère Sabah (1965-1978) lui succéda, lui-même suivi de Jabir, fils d’Ahmad, de la branche Jabir, qui règne sur Koweït depuis 1978 alors que le prince héritier Sa‘d, fils d’Abdallah, appartient à la branche Salim. Cet arrangement unique a renforcé l’unité de la dynastie.Au XXe siècle, Koweït a dû se défendre contre l’expansionnisme territorial des Saoudites, notamment lors de la bataille de Jahra (1920), où les troupes koweïtiennes n’ont survécu que grâce à une intervention britannique. Le prix à payer sera lourd: deux ans plus tard, à la conférence de ‘Ouqayr, Koweït est dépossédé d’une grande partie du territoire que l’accord anglo-ottoman de 1913 lui avait reconnu, au profit de l’Arabie Saoudite. À partir de 1922, l’émirat connaît plusieurs années de difficultés économiques, suivies par une crise politique à partir de 1936 quand les familles marchandes se rebellent contre l’accaparement du pouvoir par les Sabah et la récession économique. Un conseil consultatif associant ces familles fut alors établi sans pouvoir régler le conflit. Les débuts de l’industrie pétrolière et l’indépendance de Koweït en 1961 allaient reposer ces problèmes, mais dans d’autres termes.L’Irak devient en effet la menace la plus sérieuse pour le Koweït. Prétextant le rattachement de celui-ci à la wilaya ottomane de Basrah, le gouvernement d’Abd al-Karim Qasem revendique la souveraineté sur l’émirat, dès la proclamation de son indépendance. En 1963, le Koweït ayant été soutenu par la Grande-Bretagne et la plupart des pays arabes, l’Irak finit par le reconnaître. Les problèmes n’en furent pas pour autant réglés, l’Irak, disposant d’une ouverture trop étroite sur le Golfe, maintenait ses pressions pour obtenir les deux îles de Warba et Bubyan. Cette situation a conduit à plusieurs incidents frontaliers. Le soutien apporté par l’émirat à l’Irak pendant sa guerre contre l’Iran (1980-1988) a été une manière de faire de l’Irak le débiteur de son petit voisin menacé.Sitôt la guerre Irak-Iran terminée, une très grande tension marque les relations entre Bagdad et Koweït. L’Irak revendique le droit de s’installer sur les deux îles contestées, accuse le Koweït de pomper plus que sa part des gisements transfrontaliers de Roumaylah, d’augmenter sa production pétrolière au-delà du quota fixé par l’O.P.E.P. et de vouloir ainsi «étrangler» économiquement son voisin irakien sorti financièrement exsangue de huit années de guerre contre l’Iran. Au-delà de ces arguments, Bagdad cherchait en fait à faire plier Koweït sur deux dossiers cruciaux: l’annulation des dettes koweïtiennes envers l’Irak et une nouvelle contribution financière pour la reconstruction du pays; l’élargissement aux dépens du Koweït de l’accès irakien à la mer, un point de fixation quasi obsessionnel chez les Irakiens.Le Koweït, probablement déjà «conseillé» par Washington, ne cède ni sur l’un ni sur l’autre de ces deux dossiers. Le 2 août 1990, les troupes irakiennes envahissent donc l’émirat; l’émir et l’ensemble de la famille royale fuient le pays et les Irakiens installent un «gouvernement provisoire» à leur solde. Six jours plus tard, Bagdad annexe le Koweït. Mais l’agression irakienne suscite une vive opposition de la part de plusieurs gouvernements, notamment en Occident. Le Conseil de sécurité de l’O.N.U. appelle donc au retrait inconditionnel des troupes irakiennes et au rétablissement des autorités légitimes du pays. Les États-Unis, le Grande-Bretagne, la France et vingt-sept autres pays commencent à envoyer des troupes vers l’Arabie Saoudite voisine. Le 16 janvier 1991, cette coalition, forte de près de 780 000 hommes, d’une autorisation du Conseil de sécurité et d’un financement multinational, ouvre les hostilités contre l’occupant irakien, en l’attaquant au Koweït autant que sur son propre territoire. Le 27 février suivant (soit quatre jours après le lancement par la coalition de son attaque terrestre), les troupes irakiennes ayant été repoussées vers le nord, le Koweït est libéré. Le 14 mars suivant, l’émir du Koweït rentrait dans son pays.Le système politiqueKoweït s’est tôt distingué par une relative démocratisation, non que la dynastie au pouvoir y soit plus encline que celles qui règnent dans d’autres émirats, mais en raison de la pression exercée par une bourgeoisie financièrement autonome. L’émir (amir ) Abdallah al-Salim (1950-1965) préside donc à une certaine libéralisation de la vie associative et de la presse avant de revenir sur cette politique en 1959. En 1961, quelques mois après l’indépendance, une assemblée constituante est formée et une constitution adoptée. Le pouvoir exécutif y est confié à un émir de la descendance de Moubarak le Grand, assisté par un Conseil des ministres de son choix. La fonction législative est partagée entre l’émir et une Assemblée parlementaire de 50 membres. Le 23 janvier 1963 ont lieu les premières élections législatives de l’émirat.Mais il apparaît que les Sabah n’entendent pas se dessaisir de leur pouvoir. Les portefeuilles importants (Intérieur, Défense, Affaires étrangères, Information, Pétrole) sont confiés à des membres de la famille royale. Le Conseil des ministres sert à coopter les chefs des huit familles marchandes les plus influentes. L’élection d’opposants à l’Assemblée est rendue difficile par un découpage géographique favorisant les milieux tribaux, plus fidèles au régime. Le droit de vote est limité aux Koweïtiens mâles qui peuvent prouver que leurs ancêtres vivaient bien à Koweït avant 1921 (soit moins de 4 p. 100 de la population!). Qui plus est, les membres du gouvernement sont des parlementaires de droit.Les élections vont encore avoir lieu en 1967, 1971 et 1975. Mais, en août 1976, l’Assemblée est dissoute et les articles les plus démocratiques de la Constitution suspendus. En dépit des restrictions, le Parlement était devenu un forum où la politique pétrolière et financière et les options régionales de l’émirat étaient critiquées. La pression pour le retour à la vie parlementaire restant vivace, les Sabah reviennent sur leur décision, non sans avoir pris de nouvelles précautions. Les élections de 1981 sont organisées de manière à favoriser plus nettement encore les milieux tribaux et religieux. L’opposition nationaliste, qui avait recueilli un tiers des sièges en 1976, se trouve exclue de l’Assemblée.Son score s’améliore nettement aux élections de 1985, mais l’Assemblée élue comprend (à côté des notables tribaux pro-gouvernementaux qui conservent 28 sièges sur 50) plusieurs opposants actifs qui n’hésitent pas à interpeller les ministres membres de la famille royale et à mettre en cause l’autorité des Sabah. Une nouvelle dissolution et une suspension de la Constitution sont annoncées par décret princier le 3 juillet 1986, pour une durée indéterminée.Qui plus est, le gouvernement doit faire face à une campagne de déstabilisation inspirée par l’Iran et répercutée par une partie des 20 p. 100 de chiites koweïtiens. Plusieurs actes terroristes se succèdent, contre la personne de l’émir, contre des journalistes, contre les ambassades de France ou des États-Unis ou encore contre des avions de la Kuwait Airways. Des bombes sont posées dans des installations pétrolières et des cafés bondés de clients. Les autorités répondent par une attitude ferme: les terroristes sont maintenus en prison et des dizaines de milliers de travailleurs immigrés sont déportés.C’est dans ce climat fait de frustration interne avec l’autoritarisme grandissant de la dynastie, d’actes de sabotage d’inspiration iranienne et de menaces irakiennes que le pays est envahi par les troupes irakiennes. Les Koweïtiens la condamnent, et certains d’entre eux, restés au pays, s’y opposent par la force. Le gouvernement, réfugié à Taïf en Arabie Saoudite, tente de secourir la grande majorité de Koweïtiens vivant en exil et à les rassembler politiquement autour de son autorité. Les assises de Jeddah, en octobre 1990, regroupant près d’un millier de notables, réaffirment leur refus absolu de l’occupation irakienne et la légitimité du gouvernement Sabah, alors que l’opposition obtient un engagement ferme de la part de la famille princière de rétablir la Constitution dès la libération du pays.Celle-ci réalisée, les relations entre gouvernement et opposition se tendent à nouveau. Cette dernière, dont les rangs sont dorénavant gonflés par des groupes de résistants restés sur place alors que les Sabah avaient fui en masse, critique les retards dans la reconstruction, la prolongation de la loi martiale, le maintien d’un gouvernement de technocrates acquis à la dynastie, les tentatives princières pour amender la Constitution avant d’appeler aux urnes ou les attentats contre les personnalités de l’opposition. La famille princière, elle-même divisée sur la responsabilité du drame que le pays venait de vivre, ne pouvait que reconnaître sa vulnérabilité et appeler à de nouvelles élections. Celles-ci se tiennent le 5 octobre 1992: l’opposition y obtient près des deux tiers des sièges et contraint le pouvoir à admettre six de ses élus comme membres du nouveau gouvernement, ne perdant pas l’espoir d’obliger ultérieurement la dynastie à «lâcher» la présidence du Conseil, voire à transformer le pays en une monarchie constitutionnelle. L’occupation aura donc renforcé l’opposition, tant libérale que religieuse, plutôt que de l’affaiblir.La manne pétrolièreLe 30 juin 1946, l’émir ouvre la première vanne de pétrole. La production ne cesse de croître pour atteindre plus de 3 millions de barils par jour (Mb/j) en 1973. L’émirat décide alors d’amorcer une baisse de sa production pour ne pas gaspiller cette ressource unique. À partir de 1980, la production koweïtienne est de 1 à 1,3 Mb/j en moyenne et l’émirat, après des années de stratégie autonome, choisit de coordonner sa politique de production avec celle de l’Arabie Saoudite. Les revenus atteignent 18 milliards de dollars en 1980, un record qui va s’émousser rapidement du fait de la baisse de la production et des prix: 15 milliards en 1981, autour de 10 milliards entre 1981 et 1985, 5,4 milliards en 1987. Mais, avec 92 milliards de barils en réserves pétrolières prouvées, l’émirat est en troisième position mondiale; avec 72 milliards de barils à lui seul, le champ pétrolifère de Burgan est le deuxième en importance au monde.Le Koweït s’est distingué par les revenus substantiels générés par ses investissements à l’étranger et qui ont dépassé pendant quelques années ses recettes petrolières. L’émirat ne s’est pas fait d’illusions sur les chances de diversification sur place de ses revenus. Il a donc été pionnier en matière d’intégration verticale, investissant dans le pétrole, depuis la prospection, au Koweït et ailleurs dans le monde, jusqu’à la distribution – «du puits à la pompe» – en passant par le transport et le raffinage. Dès 1983, il s’est assuré un réseau de distribution propre qui commercialisait les deux tiers de sa production. Au début de 1988, il possédait 5 p. 100 du réseau européen de distribution de pétrole, soit 4 650 stations et une capacité de raffinage de 135 000 barils par jour.Le Koweït a aussi investi dans l’industrie, dans le domaine foncier et dans l’agriculture, et ce pratiquement sur les cinq continents.L’émirat n’en a pas moins connu de graves crises de croissance. En 1982 éclatait la crise de Souq al-Manakh, une Bourse parallèle où les chèques postdatés servaient à acheter des actions dans des sociétés fantômes avec des primes de plus en plus élevées. Une spéculation fiévreuse aboutit à un krach énorme (94 milliards de dollars) quand certains titulaires de chèques allèrent les tirer auprès des banques plutôt que de les réinvestir sur ce marché surréaliste. Le gouvernement dut débourser plusieurs milliards pour dédommager les petits porteurs. Par chance, le scandale avait éclaté alors que l’émirat connaissait les bienfaits du second choc pétrolier, et le gouvernement put acheter près de 60 p. 100 des actions à la Bourse de Koweït. L’achat de la compagnie pétrolière américaine Santa Fe à un prix trop élevé a suscité les attaques de l’opposition. Mais, comparé aux autres pays du Golfe, le Koweït était perçu comme un modèle à imiter.Cette image de marque est fortement ternie dès le lendemain de la libération du pays. Huit mois plus tard, grâce à plusieurs équipes internationales, l’émirat parvient à faire éteindre les feux allumés par les Irakiens avant leur retraite dans 650 puits et à réparer les installations détruites involontairement par la coalition. L’exportation du pétrole reprend très vite, mais l’émirat est secoué par une série de scandales financiers qui mettent en cause d’éminents dirigeants du pays. La facture de la guerre et de l’occupation se révèle très onéreuse (sans doute plus de 60 milliards de dollars, surtout en contribution à l’effort guerrier des coalisés), alors que d’importants investissements externes, notamment en Espagne, aboutissent en krachs retentissants. Au-delà de cette gêne, également due à la persistance de prix pétroliers relativement bas (ce qui amène l’émirat à devenir débiteur alors qu’il jouissait de 120 milliards d’avoirs extérieurs avant l’occupation), le principe même de l’emprise exclusive de la famille princière sur les recettes du pays était ouvertement contesté.Une société de nantisSur 1,6 million d’habitants, près de 40 p. 100 seulement sont des citoyens koweïtiens. En dépit des difficultés liées à l’occupation passagère du pays, ceux-ci disposent d’un des revenus par habitant les plus élevés du monde avec son cortège d’avantages: instruction gratuite, prise en charge intégrale des dépenses de santé, prestations variées pour le logement, l’intégration professionnelle, la retraite. La dynastie a trouvé mille voies pour la redistribution de la manne pétrolière, allant des prêts sans intérêts jusqu’aux contrats fantômes. Koweït est devenu une grande corporation où il est de l’intérêt des citoyens de s’identifier au pays et à son régime. La population autochtone est jeune, grâce à la multiplication des mariages et à l’élévation du niveau de vie. L’émirat comptait, en 1992, 320 000 élèves dans ses écoles et quelque 18 000 étudiants dans le cycle supérieur. Mais, dans cette société rentière, le travail n’occupe pas une place élevée dans la hiérarchie des valeurs. Le scandale de Souq al-Manakh dévoilait déjà une crise sociale, celle de rentiers pris par la spéculation facile, palliatif à un désœuvrement de riches et à un manque de loisirs.À côté de cette minorité de nantis vit une population immigrée industrieuse. La communauté la plus importante était celle des Palestiniens, qui sont venus par vagues à partir de 1948 et qui occupaient des quartiers entiers, comme Hawalli. Leur rôle a été crucial dans le développement du pays: en 1965, ils formaient 48 p. 100 des employés du secteur public et 42 p. 100 des salariés du secteur privé. Rares sont ceux, parmi eux, qui ont obtenu la nationalité koweïtienne.Les autres communautés d’expatriés étaient faites d’Égyptiens, de Libanais, d’Iraniens, mais le Koweït a connu au cours des années 1980, comme les autres pays du Golfe, une désarabisation de sa population immigrée au profit de ressortissants des pays de l’Asie du Sud et du Sud-Est, réputés moins dangereux politiquement et moins exigeants en matière de salaire (à la veille de l’occupation, les Indiens étaient devenus la deuxième communauté après les Palestiniens).L’occupation a énormément altéré cette situation. Dès après la libération, les exactions contre les Palestiniens, accusés – souvent à tort – d’avoir soutenu l’occupant, se multiplient: assassinats, arrestations, procès expéditifs ont pour effet de pousser la communauté sur les chemins d’un nouvel exil: 5 p. 100 à peine des Palestiniens établis à Koweït y sont restés. Le gouvernement annule d’ailleurs tous les permis de travail antérieurs à août 1989 et ne les renouvelle que pour les «politiquement sûrs», d’où l’exclusion des Palestiniens et des expatriés dont le gouvernement n’avait pas ostensiblement soutenu la coalition anti-irakienne. Plusieurs organismes de défense des droits de l’homme et plusieurs ambassades font pression pour arrêter cette politique discriminatoire, sans succès. Le gouvernement assume entièrement sa politique de «recomposition démographique» et la conduit avec fermeté et avec le soutien de la plus grande majorité des Koweïtiens.Relations extérieuresLe Koweït a tôt choisi la voie de la coopération régionale. Il a ainsi fourni une aide substantielle à tous les pays de la péninsule Arabique qui en avaient besoin. Sa diplomatie a été active pour résoudre les conflits: entre l’Oman et le Yémen du Sud, entre les deux Yémens, entre Qatar et Bahreïn ou encore entre l’Oman et les Émirats arabes unis. Le Conseil de coopération des six pétromonarchies du Golfe, institué en 1981, a été d’abord une idée koweïtienne, même si l’émirat est ensuite demeuré réticent à une intégration poussée entre les pays membres, de peur qu’elle n’aboutisse à l’hégémonie de l’Arabie Saoudite sur les cinq petits pays du Conseil.Le Koweït a été pionnier en matière d’aide extérieure. Le montant de l’aide koweïtienne est monté parallèlement aux recettes du pays, avoisinant le milliard de dollars par an en moyenne entre 1975 et 1985. Entre 1962 et 1984, le Fonds koweïtien, à lui seul, avait accordé 4,45 milliards de dollars. À cela, il faut ajouter la contribution de l’émirat à des institutions collectives d’aide (comme le fonds de l’O.P.E.P., le Fonds islamique et surtout le Fonds arabe pour le développement économique et social basé à Koweït) ou l’aide dont ont bénéficié les pays arabes du champ de bataille, ainsi que l’Irak pendant sa guerre contre l’Iran.La politique régionale de l’émirat a été marquée par son soutien à la cause palestinienne, qui l’a amené à retenir un impôt sur le salaire des Palestiniens travaillant à Koweït, reversé à l’O.L.P. En cas de divergence, le Koweït s’est rangé sur la position de la majorité arabe, d’où le boycottage de l’Égypte après la signature des accords de Camp David. Mais l’aggravation du défi iranien (pilonnage du territoire de l’émirat à plusieurs reprises, attaques contre les pétroliers koweïtiens, actes de sabotage interne) a poussé l’émirat en janvier 1987, en dépit de l’opposition de Téhéran, à être l’hôte du sommet islamique et à y sceller la réconciliation avec l’Égypte.Dans le Golfe, la diplomatie koweïtienne fondait l’autonomie de l’émirat sur la rivalité permanente des trois grands acteurs régionaux (Irak, Iran et Arabie Saoudite). Avec l’arrivée de Khomeyni à Téhéran et ses tentatives pour «exporter la révolution», le Koweït s’est pratiquement aligné sur la position de l’Irak, lui offrant un soutien multiforme (fonds, transit de marchandises par les ports koweïtiens, appui diplomatique). Mais, depuis l’invasion de l’émirat en août 1990, le Koweït ne semble pas sorti du traumatisme et sa diplomatie consiste uniquement à tenter de juguler une menace irakienne considérée comme permanente. Fort de l’appui occidental, le Koweït a ainsi vu une commission de l’O.N.U. délimiter sa frontière avec son voisin du nord, suivant une ligne qui le favorisait. L’O.N.U. a également déployé une force d’observation le long de cette frontière (l’U.N.I.K.O.M.), alors que plusieurs résolutions du Conseil de sécurité obligeaient Bagdad à restituer au Koweït les propriétés transférées en Irak durant l’occupation et à dédommager l’émirat pour les destructions qu’il avait subies.Cette occupation a ainsi poussé le Koweït à troquer sa diplomatie d’équilibre régional entre ses voisins contre une mise volontaire de l’émirat sous protection occidentale. Plusieurs accords de sécurité ont été passés avec Washington, Londres et Paris, alors que d’importants contrats d’achats d’armes étaient signés avec ces capitales. Les Koweïtiens savent qu’ils ne peuvent défendre leur pays par leurs propres moyens ni par ceux, aussi rudimentaires, de leurs partenaires au sein du Conseil de coopération du Golfe. Ils sont donc devenus presque totalement dépendants des Occidentaux pour leur protection. Cela est préférable, à leurs yeux, aux alliances régionales, toujours peu fiables, ce qui explique leur réticence à maintenir des troupes arabes, égyptiennes ou syriennes, par exemple, sur leur territoire une fois le pays libéré.Petit pays très riche situé dans une zone troublée, ayant une vie politique active, obligé d’accueillir des centaines de milliers d’immigrés et dont la prospérité dépend d’une denrée aussi précieuse qu’unique, le Koweït est une cible naturelle pour toutes les menaces. Celles-ci sont allées du sabotage interne aux tentatives de satellisation, voire d’annexion. Le Koweït a été pendant longtemps un modèle enviable: une dynastie active sur la scène régionale, une population qui en est venue à s’identifier avec son pays, l’échec patent de modèles idéologiques différents essayés ailleurs dans la région et, bien sûr, les gigantesques recettes pétrolières avaient permis jusqu’ici de parer à ces dangers. L’invasion irakienne a montré la vulnérabilité d’une ligne de défense insuffisante pour faire contrepoids à la pesanteur de la géographie. Le Koweït n’est pas une île et la protection externe dont il a pu bénéficier si spectaculairement est trop liée à ses richesses pétrolières, pour être plus durable que ce produit tarissable. Avec ou sans Saddam Hussein au pouvoir en Irak, l’histoire du Koweït restera celle d’une difficile et permanente lutte pour la survie.Koweït ou Kuwayt(Dawlat al-Kuwayt), émirat d'Arabie, sur la côte N.-O. du golfe Persique; 17 818 km²; 700 000 Koweïtiens; cap. Koweït (aggl. 360 000 hab.). Nature de l'état: monarchie constitutionnelle. Langue off.: arabe. Monnaie: dinar. Relig.: islam (chiites). Géogr. et écon. - Situé au fond du golfe Persique, le Koweït est formé de terres basses, sablonneuses et désertiques. Le taux d'urbanisation dépasse 90 %. Le pays abrite plus d'étrangers que de nationaux: 1 100 000 personnes (83 % de la pop. active). Après la guerre du Golfe, le Koweït avait voulu réduire cette disparité. L'économie a reposé, depuis 1946, sur l'exploitation du pétrole (env. 10 % des réserves mondiales) et du gaz qui a suscité une filière complète d'industries de transformation. Les revenus des hydrocarbures et les placements fin. à l'étranger ont permis de grands aménagements. Le revenu par hab. est l'un des plus élevés du monde. Le Koweït a entrepris sa reconstruction dès 1991, l'a achevée en 1994, a retrouvé dès 1993 sa production de pétrole, mais le chômage frappe les Koweitiens de souche. Hist. - établie au Koweït depuis le XVIIIe s., la dynastie Sabbah, tolérée au sein du gouvernorat ottoman de Bassora (1871), choisit en 1899 la tutelle de la G.-B. (traité déclaré illégal par le gouvernement turc), puis subit son protectorat (1914). Le contrôle britannique se renforça après le dépeçage de l'Empire ottoman (1923): la position du Koweït sur la route maritime des Indes en faisait un enjeu stratégique capital. L'exploitation du pétrole commença dans les années 1930. Indépendant en 1961, le Koweït repoussa (1961, 1973) les prétentions territoriales de l'Irak; mais il a été solidaire de l'Irak contre l'Iran (1980-1988), par crainte que ne se propage l'intégrisme musulman. Le Koweït a été le premier pays arabe à nationaliser complètement sa production pétrolière (1975). En août 1990, l'Irak, criblé de dettes et surarmé, a envahi l'émirat; l'armée américaine a pris aussitôt position en Arabie Saoudite et la communauté internationale a décrété le blocus écon. En nov., l'ONU a autorisé le recours à la force contre l'Irak, et la guerre du Golfe a commencé le 15 janv. 1991. Libéré (fin fév.), le pays avait subi d'importantes destructions. L'extinction du dernier des puits incendiés ne fut réalisée qu'en nov. Dès juillet 1991, l'exportation de pétrole a repris. Les élections législatives d' oct. 1992 (les femmes étant toujours exclues du vote) ont donné la majorité aux oppositions laïque et islamique, qui ont fait leur entrée au gouvernement, mais les élections d' oct. 1996 ont désigné des hommes acquis au pouvoir.
Encyclopédie Universelle. 2012.